Les algorithmes et les apprentis sorciers

Les algorithmes et les apprentis sorciers

Petit billet d’humeur

« Recrutement automatisé : des algorithmes pour détecter les soft skills ! » Quel titre !
Assurément un article qui attire l’attention tant l’époque est aux algorithmes et à l’Intelligence Artificielle. Pouvoir repérer le Graal actuel du management que sont les softs skills en un clic, c’est inespéré.

Pourtant en y regardant de plus près et en lisant l’article, si la détection automatisée des diplômes et qualifications adéquates pour un poste semble « algorithmisable », elle semble plus difficile pour la détection des softs skills.

L’algorithme n’est pas une IA !

« Pour ce faire, l’IA va étudier le CV en ligne d’un candidat et mettre en rapport les métiers exercés, les tâches accomplies et sa formation. »
L’intelligence artificielle (IA, ou AI en anglais pour Artificial Intelligence) consiste à mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle.
Le traitement de gros volumes de données N’EST PAS une Intelligence Artificielle, cela s’appelle du tri (!) exécuté par un algorithme sur la base de Big Datas.

Quand l’algorithme tue définitivement l’humain

A partir de ce moment, l’algorithme fou des recruteurs commence ses délires :

«  […] car l’algorithme va « s’attacher aux concepts pas aux mots », explique Thomas Allaire, CEO de Jobijoba. Par exemple, si un candidat indique qu’il a occupé plusieurs postes à responsabilités, il lui sera attribué des compétences en leadership. « L’algorithme va aussi tenir compte du contexte sémantique », complète Thomas Allaire. »
Le fait d’occuper plusieurs postes à responsabilité est donc le signe d’une compétence en leadership ! C’est évidemment une hérésie. La simple connaissance basique du management et du fonctionnement d’une entreprise éviterait d’énoncer ce genre de d’absurdité.

Mais l’algorithme fou ne s’arrête pas là :

« Par exemple, si vous avez travaillé dans des ESN comme commercial puis comme assistant RH, l’algorithme va comprendre que le fil directeur de votre carrière est votre connaissance des ESN et va vous proposer des postes dans ce secteur plutôt qu’un poste de commercial dans l’agroalimentaire. »
Fini les changements de fonctions ou de secteurs, fini le libre choix de votre carrière et les évolutions de carrière. Le décloisonnement actuel qu’apportent la formation continue, les possibilités de reconversion, les facilités d’évolution, va être tué par des recruteurs loboto-algorithmisés. Désormais quand on a choisi une voie – et les choix d’orientations se font de plus en plus tôt dans la scolarité – celle-ci deviendra la seule possible.
Ces modernisations fort mal utilisées sont suicidaires pour les entreprises. La finesse humaine des recrutements disparaît au profit d’un cloisonnement sans appel. Les apprentis sorciers précisent, bien sûr, que l’algorithme ne remplace par l’entretien, mais comme l’entretien vient après ce tri débile de la machine ! Gare aux parcours atypiques, aux retournements de vie, aux passions, ils n’ont plus cours, et deviennent invisibles aux recruteurs.

Cette dérive est gravissime pour les entreprises et pour les personnes. La force de traitement développée grâce aux machines ne peut être qu’un outil.

Non, les softs skils ne sont pas détectables
par un algorithme tel qu’il est décrit !

Non, on n’est pas nés uniquement pour un seul travail
ou pour une seule fonction à vie !

« Par exemple, si une personne a fait du développement web et n’a qu’un diplôme d’histoire, elle sera considérée comme « passionnée » car autodidacte. » L’algorithme a parlé, la messe est dite.

Quand l’algorithme tue aussi la langue

La folie algorithmique s’arrête-t-elle à l’absurdité de la gestion des carrières ?

Passons un texte de la littérature au crible d’un logiciel SEO (Search Engine Optimization). La question que nous nous posons est : Peut-on référencer la littérature dans les moteurs de recherche ?

L’extrait choisi est issu des Misérables, et est passé au crible d’un logiciel d’optimisation.

  • « Seulement 14.6% des phrases contiennent des mots de transition, ce qui n’est pas suffisant. Utilisez-en »
  • « 3 des paragraphes font plus du maximum recommandé de 150 mots. Raccourcissez vos paragraphe »
  • « Vous n’utilisez pas d’intertitres alors que votre contenu est relativement long. Ajoutez-en »
  • « Votre contenu obtient 40,5 au test, ce qui est considéré comme difficile à lire. Corrigez-le »

Victor Hugo recalé en lisibilité SEO !

Algorithme et littérature ne font pas bon ménage. Désormais il faudra écrire selon ce que souhaitent les algorithmes de nos chers moteurs de recherche. On préférera l’écriture googlisée à Victor Hugo.

En conclusion

Les machines, avec leurs capacités à traiter des données et leur rapidité, sont des outils d’une grand utilité. Mais comme tous les outils, confiés à de mauvaises mains, elles fournissent un travail de faible qualité.

Certains développement sont absurdes et très préjudiciables aux personnes et aux entreprises. Et ne pensez pas qu’il s’agisse d’une vision négative d’un avenir proche car ces traitements nuisent déjà dans les entreprises.

L’attrait de la nouveauté ne doit jamais être le seul ressort de décision dans le choix des outils quels qu’ils soient. Gardez votre esprit critique en éveil lorsque vous entendez des mots comme « Algorithme », « Intelligence Artificielle » ou « Neuro-sciences », car ils sont souvent les révélateurs, soit d’une incompétence, soit d’une absurdité en devenir.

Source : https://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1420097-recrutement-automatise-des-algorithmes-pour-detecter-les-softs-skills/?een=455d12bd0a0d2e2b055c20854617ba98&utm_source=greenarrow&utm_medium=mail&utm_campaign=ml156_travailcollabor

René HYS
Formateur expert en management – Coach certifié et diplômé
KARBON 13 – FormationCoaching https://www/karbon13.fr

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